En aéronautique, mais également dans l'industrie automobile et dans
d'autres domaines, certaines pièces sont exposées à des conditions
dites extrêmes: températures importantes, gaz corrosifs
sous fortes pressions, etc... Pour prolonger la durée de vie de ces pièces,
voire assurer leur entretien ou leur réparation,
une solution consiste à les recouvrir d'une fine couche d'un alliage
spécial. La température de fusion des matériaux utilisés pour ce
traitement de surface est généralement très élevée - il peut
même s'agir de diamant (par projection de carbone pur) -, et c'est
pourquoi il est fait appel à la technique de la projection plasma.
A l'intérieur d'une torche à plasma, un arc électrique très puissant
transforme en plasma un gaz dont elle est alimentée, qui est alors
émis en une flamme ou "plume" dont la température atteint plus de 10000 degrés (Figure IV-1).
Le matériau utilisé pour recouvrir le substrat est au préalable réduit en poudre. Cette poudre est ensuite
injectée dans la torche, d'où elle va effectuer un parcours dans le jet de plasma.
C'est durant ce court passage que les grains de poudre entrent en fusion et se transforment
pour leur grande majorité en fines gouttelettes. Finalement,
ces gouttelettes projetées à une vitesse de quelques dizaines de mètres par seconde
viennent s'écraser sur le substrat. A son contact, elle s'étalent
tout en se solidifiant presque instantanément. C'est précisément cette dernière phase du processus qui va faire
l'objet de notre étude et conduire à la mise au point d'un modèle. Le dépôt microscopique produit par chaque
gouttelette vient s'ajouter à la surface du revêtement en cours de formation, et par accumulation,
produit une couche dont l'épaisseur est relativement constante. En chaque point, une moyenne
de plusieurs dizaines d'impacts superposés pourra par exemple être dénombrée. La torche à plasma
n'est placée qu'à quelques dizaines de centimètres du substrat à traiter, dont la température va cependant
peu s'élever, un avantage qui autorise même la projection sur des matières
plastiques. Un bras manipulateur pré-programmé permet de déplacer et d'orienter
la torche de manière à balayer toute la surface du substrat. L'épaisseur de la couche pourra varier
selon le nombre de passages et leur durée, en sorte que certaines zones puissent subir un
traitement plus important; c'est par exemple le cas des angles d'une pièce.
Sur la Figure IV-2, nous présentons quelques exemples de micrographies montrant des sections de couches
obtenues par projection plasma au Centre des Matériaux de l'Ecole des Mines de Paris. Différentes conditions de projection ont été testées durant cette partie
expérimentale de l'étude [Cochelin96-98]. Ces images réelles sont à la base de l'évaluation des résultats de notre modèle.
On y distingue nettement la superposition des couches formées par étalement des gouttelettes, ainsi
que la périphérie du dépôt formé par chaque gouttelette qui se trouve entouré d'une fine lisière
sombre - il s'agit de parties oxydées.
Divers types de défauts peuvent nuire à la qualité du revêtement. En raison d'un mauvais angle
d'incidence, l'épaisseur de la couche est parfois insuffisante; c'est par exemple le cas lorsque
la surface du substrat présente une rugosité importante à grande échelle. Plusieurs grains de poudre
infondus sont également observables sur les micrographies. Ces particules, considérées
comme des défauts, résultent d'une mauvaise trajectoire à travers la plume de plasma. Elles sont
intégrées à la microstructure : les reliefs qu'elles représentent sont recouverts par les dépôts des gouttelettes
ultérieures.
Cependant, l'une des principales difficultés réside dans la formation de pores à l'intérieur de la couche,
entraînant une diminution de ses propriétés mécaniques. Des bulles de gaz peuvent par exemple rester captives
au moment de l'impact d'une gouttelette, en raison de sa vitesse de solidification élevée. L'empilement successif des
dépôts produits par les gouttelettes est aussi intrinsèquement à l'origine d'une surface rugueuse aléatoire,
en constante évolution. Des problèmes de mouillabilité se posent alors : les pores peuvent se former en raison d'un
mauvais contact entre deux étalements, ou encore lorsque un relief "en surplomb" apparait. Les particules infondues
augmentent encore le risque de formation de pores. Une étape importante de notre étude va être de chercher
dans quelles conditions les simulations sont susceptibles de reproduire la formation de ces porosités.
La production de matériaux composites peut également être réalisée par projection plasma: des structures
préformées à base de fibres jouent dans ce cas le rôle de substrat [Noel93]. Il s'agit en quelque sorte
d'un enrobage: le matériau projeté va constituer la matrice du composite, comme sur la Figure IV-3. On donne
le nom de préimprégnés à ce type de matériaux composites; un post-traitement consiste parfois à
assembler plusieurs couches de préimprégnés par compactage afin d'augmenter l'épaisseur du matériau.
La technique de la projection plasma autorise une grande liberté dans les courbures des pièces produites: les
fibres présentent en effet l'avantage d'être aisément déformables. Une pièce aux formes relativement complexes
peut être ainsi obtenue directement d'un seul tenant,
sans assemblages ni soudures qui seraient à l'origine de fragilisations. Dans cette situation, la présence de défauts
est d'autant plus à éviter que c'est la résistance de la pièce elle-même qui est en jeu. Or la morphologie
d'un substrat à base de fibres entraîne davantage de problèmes pour son recouvrement et favorise la formation de
pores, notamment en raison de concavités. La simulation de dépôts plasma sur un ensemble de plusieurs fibres
juxtaposées intéresse particulièrement les partenaires de cette étude, avec comme cas concret, la projection
d'un alliage métallique à base de Titane, Aluminium et Vanadium (Ti-6Al-4V) sur des fibres de Carbure de Silicium (Si-C).