Les modèles de réaction-diffusion sont une source presque
inépuisable de systèmes complexes. Des interactions
chimiques entre fluides virtuels peuvent ainsi conduire à l'auto-organisation
de milieux hétérogènes. Une population de formes prend naissance, et
se développe en un processus que l'on qualifie de morphogénèse.
Dans de nombreux cas, ces formes montrent un aspect si naturel
que la réalité d'un mécanisme de réaction-diffusion peut être
envisagée : c'est l'hypothèse de Turing. Selon les modèles, les milieux
évoluent en un chaos perpétuel, ou encore convergent lentement
vers un ordre parfait. Définis formellement, les mécanismes
de réaction-diffusion se généralisent à des domaines bien éloignés
de la chimie. Les comportements observés conservent une certaine
universalité.
En raison de leur complexité, l'exploration
des modèles de réaction-diffusion repose encore en grande partie sur
leur simulation numérique. Des expériences sont ainsi réalisées, non pas
en laboratoire, mais à l'aide d'ordinateurs, à l'intérieur de surfaces ou de
volumes virtuels. A partir de conditions initiales quelconques, il
reste en effet impossible de prévoir analytiquement l'état de ces
systèmes à un instant donné de leur évolution. Une activité scientifique
qui repose ainsi sur des simulations, bénéficie du développement
continu des technologies et de l'informatique en particulier.
Or le volume des calculs à entreprendre reste
le principal obstacle pour une application plus répandue des modèles
de réaction-diffusion. Des expériences numériques irréalisables il y a
quelques années, sont rendues possibles actuellement. En conséquence,
l'étude des processus de réaction-diffusion constitue un domaine de
recherche dynamique, qui se renouvelle en permanence.
Notre principal objectif était d'étudier l'intérêt
des modèles de réaction-diffusion pour la génération de
structures aléatoires. De fait, la
perturbation aléatoire de conditions initiales homogènes
constitue une étape presque indispensable à l'amorçage
des processus considérés. Dès lors, il s'agit bien de modèles
aléatoires, qui doivent être traités comme tels.
En morphologie mathématique, la vraissemblance d'un modèle aléatoire
peut être estimée à partir des images qu'il produit, quelle que soit
la méthode employée pour les générer. Ces images sont usuellement
comparées aux images réelles du milieu que l'on souhaite
simuler. Cependant, nous sommes convaincus que la mise
au point d'un modèle peut-être grandement facilitée
lorsqu'elle se fonde sur la dynamique qui a conduit
à la formation du milieu étudié. A défaut de connaitre avec exactitude
les phénomènes qui sont en jeu, il est possible de simplifier
un processus jusqu'à en conserver la seule essence. Le concept
de morphogénèse constitue ainsi le premier intérêt des modèles
de réaction-diffusion. A partir d'un nombre réduit de paramètres,
ils permettent d'obtenir des structures aléatoires variées
sur des bases physico-chimiques, et selon des règles d'évolution
communes à de nombreux problèmes. Dans ce cadre, nous avons
développé avec succès un nouveau modèle destiné à
reproduire dynamiquement le dépôt de matière par
projection plasma. Il s'agit d'une application originale
d'un modèle de réaction-diffusion pour résoudre un problème
réel combinant des phénomènes très différents.
Hors de tout contexte expérimental, plusieurs modèles non-linéaires
de réaction-diffusion ont été étudiés afin
de pouvoir réunir une assez large collection de textures, accompagnées
de caractérisations morphologiques. Nous espérons que ces
résultats participeront à mieux faire connaitre la réaction-diffusion,
en particulier en sciences des matériaux, en biologie, ainsi qu'en informatique graphique.
Des structures tridimensionnelles - inédites dans leur
grande majorité - ont également été produites. Parmi les travaux dont
ce document peut difficilement rendre compte, la réalisation de
séquences vidéo s'est révélée comme un outil des plus précieux pour
comprendre l'évolution des modèles.
Un domaine aussi vaste que la réaction-diffusion ouvre de larges
perspectives; nous ne prétendons pas avoir examiné tous ses
aspects. Les outils logiciels qui ont été développés pourront
être davantage exploités dans le but d'analyser plus systématiquement
la morphologie des modèles, par des mesures sur des séries
de simulation. Lorsque nous avons entrepris d'explorer de nouveaux
modèles - non pas au hasard mais en nous basant sur les modèles existants -,
nous avons levé le voile sur une surprenante richesse de comportements.
Bien que cette partie de nos travaux reste inachevée, la variété
des textures générées ainsi que leurs morphologies naturelles indiquent
qu'il existe encore de nombreux modèles à découvrir, de nombreuses
simulations à réaliser. En particulier, la variation temporelle des
coefficients de diffusion est applicable à tout modèle existant; son
principe intuitif permet de construire aisément de nouveaux modèles.
Nos premières tentatives sont plutôt restrictives en comparaison avec
l'étendue des choix possibles; pour ces nouveaux modèles, des simulations
tridimensionnelles doivent aussi être tentées. Par ailleurs, il serait
intéressant d'étudier l'influence de conditions initiales différentes
sur la morphologie des modèles. Nous avons vu qu'il existait de nombreux
modèles de fonctions aléatoires, qui représentent autant de possibilités
pour initialiser les systèmes de réaction-diffusion. Une telle étude
a été entreprise, mais sans résultats significatifs pour l'instant.
Dans un tout autre domaine, évoquons également les améliorations possibles du modèle de dépôt plasma par Gaz sur Réseau. Il serait par exemple envisageable de transposer les méthodes introduites afin de construire un modèle similaire à trois dimensions. Cependant, les moyens de calcul actuels nous semblent encore un peu limités, compte tenu des dimensions des domaines à traiter et de la durée des simulations. Des modifications du modèle dont la mise en oeuvre serait moins coûteuse consisteraient à élargir la gamme des conditions de projection prises en compte. Des solutions pourraient être obtenues afin que des paramètres fixés dans la version actuelle du modèle deviennent modifiables.